Pourquoi planter des haies ?

Véritables refuges pour la faune, les haies offrent abri et nourriture à de nombreuses espèces : pollinisateurs, auxiliaires de culture (coccinelles, syrphes, hérissons, oiseaux insectivores) et autres habitants essentiels à l’équilibre des écosystèmes. Elles constituent aussi des corridors écologiques, indispensables au déplacement des espèces entre différents milieux.

 

Elles jouent également un rôle fondamental dans la protection des sols en :

  • limitant l’érosion,
  • réduisant le ruissellement de l’eau et favorisant la rétention et la redistribution de l’eau en période de sécheresse,
  • protégeant les cultures et le bétail des intempéries, en plus d’être un excellent brise-vent,
  • apportant des nutriments variés aux animaux qui broutent volontiers leurs feuilles en période sèche. Par ailleurs, c’est dans les ligneux qu’ils trouvent une partie des tanins utiles pour limiter le développement de leurs parasites intestinaux.
  • limitant la dispersion des intrants chimiques, pesticides et engrais,
  • gênant le déplacement des ravageurs d’un champ à l’autre, tout en facilitant le transfert des auxiliaires dans la culture.

Illustration pour montrer à quoi ressemble une haie qui offre un abri et nourriture pour les espèces de pollinisateurs

© Violette Pautas_CC BY-NC-SA 4.0

En 100 ans, entre 1,5 et 2 millions de kilomètres de haies ont été arrachés en France, soit 40 à 50 fois le tour de la Terre ! En 2023, pour 6 000 à 7 000 km plantés, ce sont 23 000 km qui ont été arrachés Or, une plantation de haies ne compense pas la destruction de haies fonctionnelles. Planter n’a pas de sens si d’autres haies sont détruites par ailleurs :  il faut à la fois densifier avec des plantations, sauvegarder et bien gérer l’existant, ce qui peut aussi vouloir dire de ne pas gérer !

 

Planter des haies…

Pour favoriser les pollinisateurs, une haie doit offrir une floraison étalée sur une longue période, en intégrant des essences issues de différentes familles, mais aussi des micro-habitats variés (bois mort, points d’eau…). L’objectif ? Répondre aux besoins d’un maximum d’espèces, en incluant des plantes qui fleurissent aussi bien tôt qu’en fin de saison, ainsi que des milieux de refuge (hiver, été, intempéries) et de nidification.

De manière plus générale, quelle que soit la raison pour laquelle vous souhaitez planter une haie (protection des cultures, biodiversité, production de bois, clôture naturelle, brise-vent ou brise-vue), les bonnes pratiques de plantation restent les mêmes.

 

…ou favoriser les haies spontanées pour les pollinisateurs

 

Pour de nombreux projets, la haie spontanée est une option tout aussi pertinente, voire davantage. Il s’agit de délimiter la zone avec des piquets et laisser la végétation locale s’installer naturellement. Ce type de haies peut mettre plus de temps à pousser, mais vous vous assurez du développement de plants spontanés adaptés au site. Elle présente quelques spécificités : 

  • Moins de contraintes de calendrier,
  • Coût nettement inférieur,
  • Plus de pédagogie pour expliquer la démarche au public
  • Moins d’entretien et suivi à long terme.

Illustration d'une haie spontanée

© Solène Soulas_CC BY-NC-SA 4.0

Vous êtes un particulier ? Vous trouverez dans cet article des informations utiles, même si toutes ne vous concernent pas directement. 

Illustration du processus pour mener un projet de plantation de haies

© Arthropologia

1. Anticiper un an avant la plantation

La préparation d’un projet de plantation de haies commence bien en amont, en général entre 6 mois et un an avant la saison de plantation. Le porteur de projet - accompagné ou non -  définit les choix techniques : essences, hauteur des haies, distances aux infrastructures... Le but est d’identifier les points de blocage, le potentiel du projet et sa faisabilité, ainsi que ses objectifs (brise-vent, corridor écologique, lutte contre l'érosion...). 

Anticiper permet également d’échanger sur le projet avec toutes les personnes concernées (propriétaire des parcelles s’il ne s’agit pas du porteur, voisinage, gestionnaire des espaces verts, jardiniers, paysagistes, concepteurs…) et donc de s’assurer de l’acceptation et de la pérennisation de ce projet.

Illustration d'une haie

© Danny Lebreton_CC BY-NC-SA 4.0

La plantation doit respecter la réglementation concernant les hauteurs et les distances aux clôtures et limites de parcelles pour ne pas courir le risque d’être détruite en cas de litige.

2. Bien choisir ses plants

Il est fortement recommandé de se tourner vers des plants âgés de 1 à 3 ans en racines nues, et indigènes. Trois possibilités s’offrent à vous pour choisir vos plants : 

  • Sélectionner des plants issus naturellement de la région et adaptés au contexte bioclimatique local. La marque « Végétal Local » est un repère fiable pour s’assurer qu’un plant est issu de la région biogéographique de plantation. Il est également possible de récolter des plants sauvages à proximité du site. Dans ce cas, l’accord du propriétaire du terrain sur lequel le prélèvement aura lieu est obligatoire.
  • Opter pour des plants « Végétal local » présents localement, mais issus d’une autre région biogéographique, généralement issus d’une aire de répartition plus au sud que le site de plantation, mais capable de résister aux conditions climatiques du site (gel tardif, pluie abondante, hiver rigoureux…).

Si vous devez acheter des plants, il est conseillé de se renseigner auprès du pépiniériste pour connaître le stock disponible avant l’été précédant la plantation, et s’assurer de leur disponibilité, parfois limitée suivant la demande et/ou la zone géographique.

Illustration d'une haie séparant 2 cultures agricoles différentes©Danny Lebreton_CC BY-NC-SA 4.0

Comprendre les strates d’une haie


Une haie peut se composer de quatre strates : arborée, arbustive, herbacée et même muscinale (mousses, lichens, pierriers, champignons…). La composition de la palette végétale utilisée pour la plantation dépend de la typologie, des objectifs (et même du mode de gestion) de la haie, avec des arbres de haut/moyens-jets (frêne, chêne, tilleul, cormier…), des arbres et arbustes pouvant être conduits en cépée (avec plusieurs troncs au départ de la souche, comme les érables champêtres, noisetier, saule), des arbustes buissonnants (prunellier, cornouiller, fusain).

La présence et la qualité des strates herbacées et muscinales dépendent ensuite des méthodes de gestion du pied et de la lisière de la haie.

3. Préparation du sol et logistique du chantier

L’enrichissement du sol par l’apport de matière organique (broyat, paille, feuilles mortes, etc.) est indispensable pour préparer la plantation. ll faut plusieurs mois (8-10 mois) pour que cet enrichissement soit métabolisé et réellement utile au moment de la plantation, d’où l'intérêt d’anticiper au plus tôt son projet. 

Ce délai peut paraître long, mais il est loin d’être anecdotique puisqu’il assure la disponibilité des nutriments pour les jeunes arbres et arbustes dès leur plantation et ce sans travail du sol. En effet, pour ne pas nuire à la vie du sol et qu’il maintienne ses fonctionnalités écologiques, précieuses notamment pour le développement des jeunes plants, mieux vaut éviter autant que possible le travail mécanique du sol (charrue, sous-soleuse). 

S’il a été bien enrichi en amont, la qualité du terrain de plantation est améliorée par l’activité biologique de la micro/macro faune. Le couvert, s’il est suffisamment épais, a également limité le développement racinaire des graminées. Ainsi, il ne reste plus qu’à creuser les trous qui accueilleront chaque plant à la pelle (ou à la main). 

S’il n’est pas possible de se passer de travail mécanique, des engins agricoles devront être utilisés pour ameublir et désherber le terrain. Il est également possible d’utiliser une grelinette par exemple, en prenant en compte un temps de travail plus long. L’idéal reste donc de laisser faire la nature en anticipant au maximum la pose de matière organique.

Enfin, il  est important d'assurer la qualité des fournitures : pour le broyat, optez pour du bois raméal fragmenté (BRF) exempt de plastique et autres polluants. Une couche de 15 à 20 cm est idéale pour empêcher les grandes graminées de capter toute l’humidité. Il est également conseillé d’ajouter une fine couche de compost et/ou un ensemencement en levain de forêt  sous le paillage, notamment sur des terrains pauvres.

Pour de la paille, vérifiez qu’elle soit issue d’une agriculture biologique. Si vous optez pour un paillage de feuilles mortes provenant d’un boisement à proximité, assurez-vous de respecter la réglementation en vigueur.

Illustration de l'étape de préparation du sol

©Danny Lebreton_CC BY-NC-SA 4.0

Comment calculer la quantité de broyat nécessaire ?


Tout simplement en multipliant la longueur en mètre x nombre de rangs x épaisseur souhaitée du broyat en mètre. Par ex. 100 m x 3 rangs x 0,15 m = 45m3 de broyat seront nécessaires pour avoir 15 cm de broyat sur un linéaire triple rang de 100 m.

4. Lancement du chantier de plantation

Illustration du lancement d'un chantier

© Lucile Rougier_CC BY-NC-SA 4.0

La plantation s’effectue pendant la période de dormance des plants, située historiquement entre mi-novembre et début mars. Avec les changements climatiques, la fenêtre tend à se réduire (début décembre à mi-février). Dans tous les cas, privilégier les plantations au début de la période de dormance (novembre-décembre) pour donner le temps aux plants de s’adapter au sol et de s’enraciner avant la reprise végétative. De même, les plantations tardives (février-mars) risquent le redoux (réveil précoce des bourgeons) et la sécheresse printanière. 

Si vous avez prévu beaucoup de chantiers de plantation, la disponibilité des éventuels prestataires peut poser problème au vu du nombre de chantiers à mener dans un laps de temps restreint.

Les bonnes pratiques sur le terrain :

  • Planter en période de fort et long gel
  • Maintenir les racines des plants en jauge dans la terre pour les protéger du gel ou du soleil jusqu’à leur mise en terre définitive.
  • Pralinage des racines : Enrober les racines d’un mélange de bouse (idéalement issue d‘un élevage n’utilisant pas de traitement chimique des parasites internes), eau (non chlorée) et terre (si possible argileuse). Ce pralin forme une gangue étanche autour des racines, leur offrant protection et nourriture immédiatement disponibles, limitant le contact avec l’air et facilitant l’adhésion de la terre aux racines.
  • Plantation à la bonne profondeur : Ni trop enfouie pour ne pas étouffer le collet, ni pas assez au risque que les racines ressortent, avec un léger tassement de la terre au pied et un arrosage généreux (environ 10 L par plant).
  • Habillage des racines (tailler les racines) si, et seulement si, les racines sont trop longues et qu’il n’est pas possible d’agrandir le trou (pour pallier au risque que les racines remontent) ou si elles sont trop endommagées et qu’une taille est pertinente pour faciliter la cicatrisation. Couper des racines reste néanmoins une blessure pour le plant, donc à ne pas effectuer systématiquement.
  • Couverture du sol avec un paillage après la plantation : pour maintenir l’humidité, apporter les nutriments aux plants et réduire la concurrence des herbes. A ce stade, il faut veiller à  bien dégager le collet de chaque plant afin d’éviter l'asphyxie du plant et le développement de champignons.

Illustration d'une plantation d'un arbuste pour constituer une haie © Lucile Rougier_CC BY-NC-SA 4.0

Illustration d'une haie après plantation © Danny Lebreton_CC BY-NC-SA 4.0

L’installation d’une bâche, même en fibres naturelles, est à éviter : son coût est élevé, elle est inutile, ne présente pas d’intérêt écologique pour le sol. La bâche plastique est à proscrire absolument : elle étouffe le sol, empêche l’eau de s’infiltrer et génère de la pollution aux microplastiques. La mise en place d’une protection anti-gibier n’est pas forcément à systématiser sur tous les terrains ni sur tous les plants. En effet, le choix devra être fait suivant la présence ou non de gibier, suivant le type de plant et l’objectif de la haie (production de bois d’oeuvre par ex). Un plant grignoté pourra repartir du pied si le développement racinaire a pu avoir lieu. 

Dans tous les cas, les protections en plastique sont à proscrire pour éviter la pollution de l’environnement. Des versions biodégradables existent et il est souhaitable qu’elles soient les plus larges possibles pour ne pas étouffer le plant. En cas de pose, il faudra prévoir d’enlever les protections possiblement dès la deuxième année en fonction des essences et de l’évolution du plant.

5. Assurer un suivi les premières années

On considère qu’un projet de plantation est réussi lorsqu’il présente un taux de reprise d’au moins 90 % un à deux ans après la plantation. Si la palette végétale retenue pour le projet est très large, avec beaucoup d’espèces, il est possible d’avoir un taux plus faible. Ce n’est pas un problème : le plus important est d’avoir matérialisé la bande qui allait devenir une haie, qu’il y ait une intervention humaine ou non. Si le linéaire est à proximité d’un boisement source (haies, forêts, …) facilitant l’apport de graines, la régénération naturelle compensera rapidement ce taux de reprise. 

Néanmoins, s’il est très faible, compenser les pertes peut être envisagé en sélectionnant les espèces ayant bien poussé uniquement et/ou en ne replantant pas celles qui n’ont pas pris du tout et/ou en en testant d’autres. 

Si le taux est correct, avec quelques plants manquants aléatoirement, le développement spontané et les plants existants vont prendre l’espace vacant.  Dans le cas d’une trouée, deux possibilités s’offrent à vous : une compensation ou un développement spontané.

Il peut être nécessaire d’ajuster les apports en paillage dès qu’il reste une couche de moins de 5 cm et que la végétation se développe beaucoup.  Quant à l’arrosage, il doit être limité au strict minimum, en cas de stress hydrique. Proscrivez les systèmes de goutte à goutte et l’arrosage régulier toute l’année qui empêcheront les racines de se développer en profondeur à la recherche d’eau. De même, réalisez un désherbage manuel si un développement de graminées formant un tapis racinaire dense en surface est constaté. Il est inutile dans le cas d’adventices annuelles/bisannuelles.

Par la suite, vous pourrez tailler quelques arbres de la haie seulement s’il y a un objectif particulier (production de bois de chauffage/d’œuvre, trogne, brise vent). Dans la mesure du possible, laissez la haie en libre évolution. 

Illustration d'une haie après un à deux ans après la plantation © Danny Lebreton_CC BY-NC-SA 4.0

Bon à savoir

Et les chantiers participatifs ?

Illustration d'un chantier de plantation
©Lucile Rougier_CC BY-NC-SA 4.0

Les projets participatifs sont une formidable opportunité pour impliquer des habitants, scolaires, etc. En condition idéale, un groupe de 20 personnes, enfants et adultes, peut planter environ 150 m de haies en une journée (creuser les trous individuels, planter, arroser et pailler). 

Quelques conseils pour un chantier efficace :

  • Anticiper les besoins en matériel (gants, pelles, bottes, eau, brouettes…)
  • Définir des rôles précis pour garantir une plantation de qualité
  • Veiller à la protection des racines durant la manipulation et des plants laissés en jauge
  • Privilégier des séquences pédagogiques adaptées aux enfants et aux adultes.
  • S’appuyer sur des plateformes comme J’agis, je plante pour mobiliser des bénévoles
  • S’assurer du respect de la séquence de plantation (par exemple, confier la plantation des grands arbres à une seule personne pour assurer une bonne répartition)
  • Pour les plantations avec enfants, privilégier des essences sans épines et être réaliste sur la longueur des haies à planter pour ne pas occulter l’objectif pédagogique de l’événement.

Plantation de haies : un projet collectif

La réussite d’un projet de haie repose sur l’anticipation, la concertation et le suivi. Chaque acteur – du particulier à la collectivité en passant par l’agriculteur ou l’association – joue un rôle clé dans sa réussite. Le processus de plantation de haies peut donc être un projet à long terme, nécessitant une organisation soignée et une collaboration étroite entre tous les éventuels intervenants. C’est un exemple parfait de l'importance d'une approche collective pour mener à bien des projets visant à favoriser la biodiversité, tout en respectant les contraintes locales et les ressources disponibles.

Une haie isolée ne vaut pas grand-chose à l’échelle d’un paysage ou d’un territoire, en termes de connectivité des trames écologiques. Autant que possible, travailler en synergie, dans une vallée, un site, un hameau pour implanter un maillage bocager fonctionnel a bien plus de pertinence.

 

Monter un projet de plantation au sein d’une collectivité

Pour une collectivité, cette approche collective fait d’autant plus sens, et il est pertinent de travailler à un programme global à l’échelle du territoire et de s’associer avec des partenaires techniques. 

De nombreux dispositifs financiers sont mobilisables (Marathon de la biodiversité, Paiement pour services environnementaux (PSE), Pacte en faveur de la haie, Programme Plantons des haies,  FEADER) mais aussi des aides financières venant de départements, mécènes…

Côté partenaires techniques, il est conseillé de se faire accompagner par des structures de votre territoire pour faire aboutir les projets de plantation. Vous pouvez également vous appuyer sur le Réseau Haies et ses antennes régionales. 

Côté prestataires, la formalisation d’un cahier des charges participe à s’assurer que le prestataire respecte les demandes spécifiques (de fourniture ou d’intervention notamment).

Cadrer le projet par une convention entre le financeur (collectivité) et le porteur de projet permet de s’assurer du respect des engagements de chacun et de la pérennité de la plantation.

Que peut contenir cette convention ?

  • Engagement du porteur à entretenir la haie
  • Engagement de financement par la collectivité
  • Durée de la convention
  • Identification du linéaire (longueur, cadastre)

Au cours des deux premières années, il est pertinent de mettre en place un suivi pour évaluer l’état de la plantation, faire des préconisations d’entretien au porteur de projet, s’assurer du respect des termes de la convention et estimer la nécessité d’une plantation de complément en cas de forte mortalité par exemple. Certaines collectivités en profitent pour inscrire ces plantations dans le cadre des PLUi, pour renforcer leur pérennité.

Pour aller plus loin